Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/410

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bagatelle que parce qu’elle signifie que tout homme que la fortune seule a fait homme public devient presque toujours, avec un peu de temps, un particulier ridicule. On ne revient plus de cet état : et la bravoure de M. de Beaufort, qu’il signala encore en plus d’une occasion depuis le retour de M. le cardinal contre lequel il se déclara sans balancer, ne le put relever de sa chute. Mais il est temps de rentrer dans le fil de ma narration.

Vous comprenez aisément l’émotion de Paris dans le cours de la matinée que je viens de vous décrire. La plupart des artisans avoient leurs mousquets auprès d’eux, en travaillant dans leurs boutiques. Les femmes étoient en prières dans les églises ; mais ce qui est encore vrai, c’est que Paris fut plus touché l’après-dînée de la crainte de retomber dans le péril, qu’il ne l’avoit été le matin de s’y voir. La tristesse parut universelle sur les visages de tous ceux qui n’étoient pas tout-à-fait engagés à l’un ou à l’autre des partis. La réflexion, qui n’étoit plus divertie par les mouvement, trouva sa place dans les esprits de ceux même qui y avoient le plus de part. M. le prince dit au comte de Fiesque, au moins à ce que celui-ci raconta le soir publiquement « Paris a failli aujourd’hui à être brûlé ; quel feu de joie pour le Mazarin ! Et ce sont ses deux plus capitaux ennemis qui ont été sur le point de l’allumer. » Je concevois de mon côté que j’étois sur la pente du plus fâcheux et du plus dangereux précipice où un particulier se fût jamais trouvé. Le mieux qui me[1]

  1. de cette méprise du cardinal de Retz. Les Mémoires du duc d’Angoulême font partie de la première série (tome 44)