Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 45.djvu/420

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qu’il étoit vrai qu’elle avoit été chassée de la cour sitôt après ; qu’elle n’avoit pas eu le temps d’y voir clair, quand même il y auroit eu quelque chose ; qu’à son retour en France, après le siège de Paris, la Reine dans les commencemens s’étoit tenue si couverte avec elle, qu’elle n’avoit pu y rien pénétrer ; que depuis qu’elle s’y étoit raccoutumée, elle lui avoit vu dans des momens de certains airs qui avaient beaucoup de ceux qu’elle avoit eus autrefois avec Buckingham ; qu’en d’autres elle avoit remarqué des circonstances qui lui faisoient juger qu’il n’y avoit entre eux qu’une liaison intime d’esprit ; que l’une des plus considérables étoit la manière dont le cardinal vivoit avec elle, peu galante et même rude ce qui toutefois, ajouta madame de Chevreuse, a deux faces, de l’humeur dont je connois la Reine. Buckingham me disoit autrefois qu’il avoit aimé trois reines, et qu’il avoit été obligé de les gourmer toutes trois. C’est pourquoi je ne sais qu’en juger. Voilà comme madame de Chevreuse me parloit[1]. Je reviens à ma narration.

Je n’étois pas assez chatouillé de la figure que je faisois contre M. le prince, quoique je m’en tinsse très-honoré, pour ne pas concevoir dans toute leur étendue les précipices du poste où j’étois. « Où allons-nous, disois-je à M. de Bellièvre, qui me paroissoit trop aise de ce que M. le prince ne m’avoit pas

  1. Voilà comme madame de Chevreuse me parloit : Il n’est pas nécessaire de prouver que les détails qui précèdent ne méritent aucune foi. Si Anne d’Autriche montra un peu de légèreté dans sa première jeunesse, tous les contemporains s’accordent dire que depuis la régence sa conduite fut grave et irréprochable. La haute idée qu’elle avoit des talens de Mazarin fut l’unique cause de sa fermeté à le soutenir dans le ministère.