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inclination, je pris quelques mesures avec l’abbé Fouquet. Je dis contre mon inclination ; car le peu qui m’avoit paru de cet esprit chez madame de Guémené, où il alloit voir assez souvent mademoiselle de Menessin, qui étoit sa parente, ne m’avoit pas donné du goût pour sa personne. Il étoit en ce temps-là fort jeune ; mais il avoit dès ce temps-là un je ne sais quel air d’emporté et de fou qui ne me revenoit pas. Je le vis deux ou trois fois sur la brune chez Le Fèvre de La Barre, qui étoit fils du prévôt des marchands, et son ami, sous prétexte de conférer avec lui pour rompre les cabales que M. le prince faisoit pour se rendre maître du peuple. Notre commerce ne dura pas long-temps, et parce que de mon côté j’en tirai d’abord les éclaircissemens qui m’étoient nécessaires, et parce que lui du sien se lassa bientôt des conversations qui n’alloient à rien. Il vouloit dès le premier moment que je fusse mazarin sans réserve comme lui. Il ne concevoit pas qu’il fût à propos de garder des mesures. Je crois qu’il peut être devenu depuis un habile homme ; mais je vous assure qu’en ce temps-là il ne parloit que comme un écolier qui ne fût sorti que de la veille du collége de Navarre. Je crois que cette qualité put ne lui pas nuire auprès de mademoiselle de Chevreuse, de laquelle il devint amoureux, et laquelle devint amoureuse de lui. La petite de Roye, qui étoit une Allemande fort jolie, et qui étoit à elle, m’en avertit. Je me consolai assez aisément avec la suivante de l’infidélité de la maîtresse, dont, pour vous dire le vrai, le choix ne m’humilia point. Je ne laissai pas de prendre la liberté de faire quelques railleries de l’abbé Fouquet, qui se persuada ou qui