Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un clin d’œil. On demeura quelque temps en cet état ; l’on se réveilla un peu vers les six heures en quelques quartiers, où l’on fit des barricades pour arrêter les séditieux, qui se dispersèrent presque d’eux-mêmes. Il est vrai que Mademoiselle y contribua : elle alla elle-même, accompagnée de M. de Beaufort, à la Grève, où elle en trouva encore quelques restes qu’elle écarta. Ces misérables n’avoient pas rendu tant de respect au saint-sacrement que le curé de Saint-Jean leur présenta, pour les obliger d’éteindre le feu qu’ils avoient mis aux portes de l’hôtel-de-ville.

M. de Châlons vint chez moi au plus fort de ce mouvement ; et la crainte qu’il avoit pour ma personne l’emporta sur celle qu’il devoit avoir pour la sienne, dans un temps où les rues n’étoient sûres pour personne sans exception. Il me trouva avec si peu de précaution, qu’il m’en fit honte ; et je ne puis encore concevoir, l’heure qu’il est, ce qui me pouvoit obliger à en avoir si peu dans une occasion où j’en avois, ou du moins où j’en pouvois avoir tant de besoin. C’est une de celles qui m’a persuadé, autant que chose du monde, que les hommes sont souvent estimés par les endroits par lesquels ils sont les plus blâmables. On loua ma fermeté ; on devoit blâmer mon imprudence. Celle-ci étoit effective, l’autre n’étoit qu’imaginaire. La vérité est que je n’avois fait aucune réflexion sur le péril. Je n’y fus plus insensible quand on me l’eut fait faire. M. de Caumartin envoya sur-le-champ querir chez lui mille pistoles (car je n’en avois pas vingt chez moi), avec lesquelles je fis quelques soldats. Je les joignis à des officiers réformés, que j’avois toujours conservés des restes du comte de Montross. Le