Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des déchiffremens qui paroissoient fort naturels ; et je connus alors que les gens les plus défians sont très-souvent les plus dupes. Je m’ouvris à M. de Brissac, qui faisoit de temps en temps des voyages à Nantes, et qui me promit de me servir. Comme il avoit un fort grand équipage, il marchoit toujours avec beaucoup de mulets. Cette quantité de coffres me donna la pensée qu’il ne seroit pas impossible que je me fourrasse dans l’un de ces bahuts. On le fit faire exprès un peu plus grand qu’à l’ordinaire ; on fit un trou par le dessous, afin que je pusse respirer : je l’essayai même, et il me parut que ce moyen étoit praticable et simple. M. de Brissac fit un voyage de trois ou quatre jours à Machecoul, qui le changea absolument. Il s’ouvrit de ce projet à madame de Retz et à monsieur son beau-père ; ils l’en dissuadèrent : celle-là, à mon avis, par la haine qu’elle avoit pour moi ; et celui-ci par le tour de son esprit, qui alloit toujours au mal. M. de Brissac revint donc à Nantes, convaincu, à ce qu’il disoit, que j’étoufferois dans ce bahut, et touché, à la vérité, du scrupule qu’on lui avoit donné que s’il faisoit une action de cette nature, il violeroit le droit de l’hospitalité trop ouvertement. Je n’oubliai rien pour lui persuader qu’il violeroit aussi beaucoup celui de l’amitié, s’il me laissoit transférer à Brest. Il en convint, et il me donna parole qu’il me serviroit pour ma liberté en tout ce qui ne regarderoit pas le dedans du château : nous prîmes toutes nos mesures sur un plan que je me fis à moi-même aussitôt que le premier m’eut manqué.

Je vous ai déjà dit que je m’allois quelquefois promener sur une manière de ravelin, qui donnoit sur