Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/284

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Ce même gentilhomme du vice-roi me fit voir tout ce qu’il y avoit de remarquable à Saragosse (j’étois toujours caché, comme je l’ai dit, sous le nom de marquis de Saint-Florent) ; mais il ne fit pas la réflexion que Nuestra Senora del Pilar, qui est un des plus célèbres sanctuaires de toute l’Espagne, ne se pouvoit pas voir sous ce titre. On ne montre jamais à découvert cette image miraculeuse qu’aux souverains et aux cardinaux. Le marquis de Saint-Florent n’étoit ni l’un ni l’autre de sorte que quand on me vit dans le balustre avec un justaucorps de velours noir et une cravate, le peuple infini qui étoit accouru de toute la ville au son de la cloche qui ne sonne que pour cette cérémonie, crut que j’étois le roi d’Angleterre. Il y avoit, je crois, plus de deux cents carrosses de dames, qui me firent cent et cent galanteries, auxquelles je ne répondis que comme un homme qui ne parloit pas trop bien espagnol. Cette église est belle en elle-même : mais les ornemens et les richesses en sont immenses, et le trésor magnifique. L’on m’y montra un homme qui servoit à allumer les lampes, qui y sont en nombre prodigieux et l’on me dit qu’on l’y avoit vu sept ans à la porte de cette église, avec une seule jambe. Je l’y vis avec deux. Le doyen, avec tous les chanoines, m’assurèrent que toute la ville l’avoit vu comme eux et que si je voulois encore attendre deux jours, je parlerois à plus de vingt mille hommes, même du dehors, qui l’avoient vu comme ceux de la ville. Il avoit recouvré la jambe, à ce qu’il disoit, en se frottant de l’huile de ces lampes. On célèbre tous les ans la fête de ce prétendu miracle avec un concours incroyable de peuple ; et il est vrai qu’en-