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core à une journée de Saragosse je trouvai les grands chemins couverts de gens de toutes sortes de qualités qui y couroient.

J’entrai de l’Arragon dans le royaume de Valence, qui se peut dire non pas seulement le pays le plus fin, mais encore le plus beau jardin du monde. Les grenadiers, les orangers, les limoniers, y font les palissages des grands chemins ; les plus belles et les plus claires eaux du monde leur servent de canaux. Toute la campagne, qui est émaillée d’un million de différentes fleurs qui flattent la vue, y exhale un million d’odeurs différentes qui charment l’odorat. J’arrivai ainsi à Vivaros, où don Fernand Carillo Zuatra, général des galères de Naples, me joignit le lendemain avec la patronne de cette escadre, belle et excellente galère, et renforcée de la meilleure partie de la chiourme et de la soldatesque de la capitane, que l’on avoit presque désarmée pour cet effet. Don Fernand me rendit une lettre de don Juan d’Autriche, aussi belle et aussi galante que j’en aie jamais vue. Il me donnoit le choix de cette galère, ou d’une frégate de Dunkerque qui étoit à la même plage, et qui étoit montée de trente-six pièces de canon. Celle-ci étoit plus sûre pour passer le golfe de Lyon dans une saison aussi avancée car nous étions dans le mois d’octobre 1654. Je choisis la galère, et vous verrez que je n’en fis pas mieux. Don Christoval de Cardone, chevalier de Saint-Jacques, arriva à Vivaros un quart d’heure après don Fernand Carillo et il me dit que M. le duc de Montalte, vice-roi de Valence, l’avoit envoyé pour m’offrir tout ce qui dépendoit de lui ; qu’il savoit que j’avois refusé ce que le roi Catholique