Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le cavalier Bernin[1], qui a du bon sens ; remarqua, deux ou trois jours après, que le Pape n’avoit observé, dans une statue qu’il lui faisoit voir, qu’une petite frange qui étoit au bas de la robe de celui qu’elle représentoit. Ces observations paroissent légères : elles sont certaines. Les grands hommes peuvent avoir de grands foibles : ils ne sont pas même exempts de tous les petits ; mais il y en a dont ils ne sont pas susceptibles ; et je n’ai jamais vu, par exemple, qu’ils aient entamé un grand emploi par des bagatelles. Azolin, qui fit les mêmes remarques que moi, me conseilla de ne pas perdre un moment à engager Rome à ma protection, par la prise du pallium de l’archevêché de Paris. Je le demandai dans le premier consistoire, avant que l’on eût seulement fait réflexion que je pensasse à le demander. Le Pape me le donna naturellement, et sans y faire lui-même de réflexion. La chose étoit dans l’ordre, et il ne la pouvoit refuser selon les règles ; mais vous verrez par les suites que ce n’étoient pas les règles qui le régloient. Ce pas me fit croire qu’il n’auroit pas au moins de peine à faire que l’on me traitât de cardinal à Rome. Je me plaignois à lui des ordres que M. le cardinal d’Est avoit donnés à tous les Français : je lui représentai qu’il ne se contentoit pas de faire le souverain dans Rome, en me dégradant des honneurs tempo-

  1. Le cavalier Bernin : Giovani-Lorenzo Bernini. Il étoit statuaire, architecte et peintre. En 1665, Louis xiv le fit venir pour présider à la restauration du Louvre. Comme ses plans auroient exigé qu’on détruisît ce qui existoit, on préféra ceux de Perrault, à qui l’on doit la fameuse colonnade. Bernin jouissoit à Rome de la plus haute réputation et ses compatriotes l’appeloient le Michel-Ange moderne. Il mourut en 1680, âgé de quatre-vingt-deux ans.