Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/42

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conversation, touchant ma promotion au cardinalat, de cette promotion qui se fit justement en ce temps-là.

Monsieur, qui étoit l’homme du monde le plus éloigné de croire que l’on fût capable de parler sans intérêt, me dit, dans la chaleur de la dispute, qu’il ne concevoit pas celui que je pouvois m’imaginer dans un parti qui, en rompant toutes mesures avec la cour, feroit assurément révoquer ma nomination. Je lui répondis que j’étois à l’heure qu’il étoit cardinal, ou que je ne le serois de long-temps ; mais que je le suppliois d’être persuadé que quand ma promotion dépendroit de ce moment, je ne changerois en rien mes sentimens, parce que je les lui disois pour son service, et nullement pour mes intérêts. « Et vous n’avez, monsieur, ajoutai-je, pour vous bien persuader de cette vérité qu’à vous ressouvenir, s’il vous plaît, que le propre jour que la Reine m’a nommé, je lui ai déclaré à elle-même que je ne quitterois jamais votre service, en vous donnant le conseil que je croirois le plus conforme à votre gloire. Je crois que je lui tiens aujourd’hui fidèlement ma parole : et pour vous le faire voir, je supplie très-humblement Votre Altesse Royale de lui envoyer le mémoire que je viens d’écrire. »

Monsieur eut honte de ce qu’il m’avoit dit. Il me fit mille honnêtetés. Il jeta le mémoire dans le feu, et il sortit du cabinet tout aussi aheurté (me dit à l’oreille le président de Bellievre) qu’il y étoit entré.

Je viens de vous dire que j’avois répondu à Monsieur, que j’étois cardinal à l’heure où je lui parlois, ou que je ne le serois de long-temps. Je ne m’étois trompé que de peu : car je le fus effectivement cinq