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LE COURRIER BURLESQUE


DE LA GUERRE DE PARIS,


Envoyé à M. le prince de Condé, pour divertir Son Altesse durant sa prison.


Vous, la terreur de l’univers
Moi courrier suis parti d’Anvers,
Pour entretenir Votre Altesse,
Et pour divertir sa tristesse.
Prince, si mon dessein est grand,
Je prends votre cœur pour garant,
Et dans un malheur si funeste
Je lui laisse faire le reste.
C’est lui qui vous consolera,
Qui mieux que moi divertira
L’ennui mortel qui vous accable :
C’est lui qui combattra le diable
S’il vous tentait de désespoir,
Et c’est lui qui doit faire voir
Que vous, le vainqueur d’Allemagne,
La terreur de Flandre et d’Espagne,
Riez du sort et de ses coups,
Qui sont grands, mais bien moins que vous.
Adonc sur cette confiance
Que je prends de votre constance
Et de votre religion
(Car contre la tentation
En prenant un peu d’eau bénite,
Vous la ferez courir bien vite),
Je viens, pour charmer vos douleurs,
Justes dans de si grands malheurs,
Et connoissant que la lecture
En peut seule faire la cure,
Je viens avec ce lénitif,
Très-propre a guérir un captif ;
Et pour commencer une histoire,
Toute fraîche en votre mémoire,
Par la mort du grand Châtillon...
Voila vos dames, tout de bon :
C’est fait. Dego s’en va. Silence !
Paix la ! monseigneur, je commence.
    L’an étoit encore tout neuf
De mil six cent quarante-neuf :
C’étoit la cinquième journée
De l’aîné des mois de l’année,
Quand le Roi vint dans le faubourg,
À l’hôtel jadis Luxembourg,
Et qu’une grammaire nouvelle
Le palais d’Orléans appelle.
Là dans la chambre où s’alitoit
Madame, qui fébricitoit
Comment vous portez-vous, ma tante ?
Disoit le Roi. — Votre servante,
Répondit Madame, assez mal.
Mais la Reine et le cardinal
S’entretenoient dans une salle
Avec Son Altesse Royale.
Ce qu’ils dirent, je ne sais pas,
Car ils causèrent assez bas :
Mais dans tout ce qu’ils purent dire
Je n’y vois point le mot pour rire.
Ils parloient de nous assiéger :
Fi pour ceux qui veulent manger !
En quels termes il ne m’importe,