Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/450

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Et fut vainqueur en peu de mots :
Car si de toutes vos défaites
Vous me demandiez des gazettes,
Il faudrait être Renaudot,
Qui les donne à son fils en dot ;
Avoir les mêmes avantages,
Ses lieux communs et tous ses gages.
Ce jour même, il nous fut mandé
Que le beau-frère de Condé,
Longueville l’inébranlable,
Refusoit d’être connétable.
Que cela fût en son pouvoir,
Je ne sais ; mais il dut savoir
Que tel qui refuse après muse,
Si le proverbe ne s’abuse.
    Ce jour, au parlement on lut
La lettre qui surprise fut,
Et que, par quelque manigance,
Écrivoit à Son Éminence
Le grand homme monsieur Cohon,
Dont, si vous abrégez le nom,
Il reste un mot plein d’infamie,
Qui fait tort à sa sainte vie.
Il fut dit qu’on l’observeroit,
Et gardes on lui donneroit,
Comme à monsieur l’évêque d’Aire,
Qu’on croyoit être du mystère ;
Qu’en outre on prendroit au collet
Un conseiller du châtelet,
Laune, qui, gagnant la guérite,
N’attendit pas cette visite.
    Ce jour[1] l’archevêque régla,
Et par son règlement sangla
Messieurs de jeûne et de carême,
Qui s’en venoient face blême,
Victorieux du carnaval,
Seconder le parti royal,
En nous ôtant la bonne chère.
Mais la farine étoit trop chère :
Ce qui fit que notre pasteur,
Usant envers nous de douceur,
Par une forme d’indulgence,
Et sans tirer conséquence,
Nous accorda de manger œuf,
Mouton, goret, volaille et bœuf,
Fromage, veaux, agneaux, éclanche,
Lundi mardi, jeudi, dimanche ;
Et du poisson les mercredis,
Les vendredis et samedis,
Et toute la sainte semaine :
Temps qu’il laissa sous le domaine
D’un carême très-rigoureux,
Qui fut tout le reste aux chartreux,
Ou qui du moins y devoit être.
Mais il se vint camper, le traître,
Chez quelques pauvres habitans,
Qui, disent-ils, devant ce temps
Jamais si long ne le trouvèrent,
Et dèsles Rois le commencèrent :
Si bien qu’en mangeant son hareng,
Par un effet bien différent,
Sans jours gras le gueux fit carême.
Le riche n’en fit pas de même
Car ayant toujours force plats,
Sans carême il fit les jours gras.
    Le vendredi[2] dans l’assemblée,
Les gens du Roi vinrent d’emblée.
Ils retournoient de Saint-Germain.
Lors ils dirent l’accueil humain
Qu’ils avoient reçu de la Reine,
Qui sans leur témoigner de haine,
Leur avoit fait civilité,
Et promis une infinité
De faveurs et de bienveillance,
Dès que par leur obéissance
Messieurs du Palais prouveraient
Les respects dont ils l’assuroient ;
Et que, s’ils tenoient leur promesse,
Ils auroient du pain de Gonesse.
    Cependant[3] l’agent arriva

  1. Exemption du carême.
  2. 19 février.
  3. Arrivée de l’agent de l’archiduc.