Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/461

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Qu’il ne le trouvait pas plaisant ;
Que lui-même sur les frontières,
Iroit lui tailler des jartières,
Et l’accommodant de rôti,
Se montrer prince de Conti.
Sur quoi messieurs firent écrire
Tout le contenu de son dire.
Ce jour, on sut qu’à Saint-Germain
On avoit fait accueil humain
Aux députés de Normandie,
Qui, pour chasser la maladie
Dont nous étions tous menacés,
Y venoient comme intéressés,
Pour délibérer du remède.
Que le bon Dieu leur soit en aide !
    Le mercredi[1] l’on sut qu’Erlac
Étoit clos et coi dans Brissac,
Quoiqu’on nous voulût faire entendre
Qu’il venoit nous réduire en cendre.
L’on sut que Normands députés
S’étoient tous bien fort aheurtés
Au renvoi de Son Eminence ;
Et l’on nous donnoit assurance
Qu’ils ne dépliroient leur cahier
Qu’il n’eût un pied dans l’étrier.
Mais s’il est vrai qu’ils le promirent,
Ces Normands après se dédirent,
Et certes autant propos
Qu’il se peut pour notre repos :
Car qu’on renvoyât pour leur plaire
Un ministre si nécessaire
Comme monsieur le cardinal,
Quelque sot se fût fait du mal ;
Et plus sot qui l’auroit pu croire
Qu’un prince jaloux de sa gloire
Eût défait ce qu’il avoit fait
En un favori si parfait,
Pour quelque courtant de boutique
Qui n’aimoit pas sa politique.
Aussi les députés normands,
S’ils avoient fait quelques serment
De ne déplier point leur rôle,
Ne gardèrent pas leur parole ;
Et cette fois, manquant de foi,
Servirent la France et leur Roi.
    Ce même jour, fut dit en ville
Que le grand duc de Longueville
Avoit, pour assiéger Harfleur,
Fait partir sous un chef de coeur
Des troupes dès le dix-septième ;
Et que ce chef, le dix-neuvième,
Par un tambour nommé La Fleur,
Fit sommer la ville d’Harfleur,
Qui lui dit : Votre fille Hélène !
Je suis servante de la Reine.
Mais quatre pièces de canon
Lui firent bientôt dire non :
Car plus défaite qu’un cadavre,
Ayant dépêché vers le Havre,
Dont chacun sait qu’elle dépend,
Pour venir être son garant
(C’étoient les termes de sa lettre),
Ce gouverneur se voulut mettre
En devoir de la secourir ;
Et, pour l’empêcher de périr,
Détacha deux cent cinquante hommes
Qui venoient en mangeant des pommes :
Quand sur le chemin ces mangeans
Trouvent un parti de nos gens,
La peur saisit ces misérables,
Qui fuirent comme de beaux diables,
Nul ne regardant après soi.
Enfin ils eurent tant d’effroi,
Que quand dans le Havre ils rentrèrent.
Les huit heures du soir frappèrent,
Bien que partis au chant du coq,
Et que Harfleur, qui nous est hoc,
Du Havre, fût demi-liene.
Mais la peur qu’ils avoient en queue
Leur fit oublier le chemin,

  1. 24 mars.