Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/471

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ses larmes et de ses prières : elle vous a porté au trône sur des trophées ; vous êtes conquérant sous sa régence ; et ce qui est sans comparaison plus considérable que tous ces avantages, elle vous instruit soigneusement à la piété. Je vous ai dit ces vérités de la part du clergé de votre royaume : je me sens forcé par un instinct secret, de les répéter encore aujourd’hui à Votre Majesté de la part de Dieu, non pour vous exhorter à l’obéissance que vous lui devez, de laquelle l’auguste sang qui coule dans vos veines, et ce beau naturel que l’Europe admire dans les commencemens de votre vie, ne vous permettront jamais de vous dispenser ; mais pour prendre sur ce fonds un juste sujet de vous expliquer en peu de paroles la plus importante et sans doute la plus nécessaire des instructions : c’est sire, la distinction du droit positif de votre royaume, et du droit naturel qui oblige tous les hommes. Le droit positif de votre État fait que la Reine votre mère est votre sujette, et ainsi il la soumet à Votre Majesté. Le droit naturel, qui est au dessus de toutes les lois, fait que vous êtes son fils et ainsi il vous soumet à elle. Distinguez, sire, ces obligations : elles ne sont point contraires, mais il les faut entendre. Je ne les touche qu’en passant, parce que je ne doute point que la sainte éducation que vous recevez ne vous permettra point de les ignorer. Aussi est-ce en cet endroit, et en ce point et en plusieurs autres, la connoissance la plus importante et la plus nécessaire aux princes.

Saint Louis n’eut pas plutôt atteint un âge raisonnable, qu’il se trouva enveloppé dans une grande et difficile guerre émue par quelques princes mécontens dans son royaume, fomentée par l’Anglais, et soutenue par ces belliqueuses provinces que cet ennemi fier et puissant possédoit en ce temps-là dans cet État. Ce généreux prince s’opposa courageusement à ses injustes entreprises. Il fit voir à toute la terre que la véritable piété n’est point contraire à la véritable valeur ; il raffermit son État ébranlé ; il porta la terreur et l’effroi dans les terres et dans les troupes étrangères ; il soutint ou plutôt il força lui seul sur le pont de Taillebourg l’armée anglaise, avec une fermeté plus merveilleuse que celle que l’antiquité romaine a consacrée avec tant de gloire à la postérité. Il arrêta ce débordement du Nord qui grondoit déjà contre la France, et qui