Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/481

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et les affaires que sa charge lui donnoit dans le conseil ne fournirent, à ceux qui y avoient toute l’autorité, que trop d’occasions de le désobliger. Tantôt l’on trouvoit les finances trop épuisées pour fournir à de si hauts appointemens ; tantôt on le payoit en mauvaises assignations ; quelquefois ses demandes étoient trouvées injustes et déraisonnables. À la fin ses remontrances sur les torts qu’on lui faisoit furent rendues si criminelles auprès du Roi, par les artifices de ses ennemis qu’il commença d’être importun et fâcheux et peu à peu il passa auprès de lui pour un esprit intéressé, insolent et incompatible. Enfin on le désobligea ouvertement, en lui refusant la rançon du prince d’Orange son prisonnier, que son neveu Philippin Doria avoit pris devant Naples, et que le Roi avoit retiré de ses mains. On lui demanda même avec des menaces le marquis Du Guast et Ascagne Colone pris à la même bataille. On ne parla plus de lui tenir la parole qu’on lui avoit donnée de rendre Savone à la république de Gênes et comme on vit que cet esprit prenoit feu au lieu de cacher ses dégoûts, sous une modération apparente, ses ennemis n’oublièrent rien pour les accroître. M. de Barbezieux fut commandé pour se saisir de ses galères et même pour l’arrêter s’il étoit possible. Cette faute étoit aussi pleine d’imprudence que de mauvaise foi et l’on ne sauroit assez blâmer les ministres de France d’avoir préféré leurs intérêts au service de leur maître, et ôté à son parti le seul homme qui pouvoit le maintenir en Italie : et puisqu’ils vouloient le perdre, on peut dire qu’ils furent fort malhabiles de ne l’avoir pas perdu tout-à-fait, et de l’avoir laissé dans un état où il étoit capable de nuire extrêmement à la France et à eux-mêmes, par le chagrin que le Roi pouvoit prendre de leurs conseils, et par les mauvaises suites qu’ils avoient attirées contre son royaume.

Doria, se voyant traité si criminellement, fait un manifeste de ses plaintes, proteste qu’elles ne procèdent pas tant de ses intérêts particuliers que de l’injustice avec laquelle on refusoit à sa chère patrie de lui rendre Savone, qui lui avoit été tant de fois promise par le Roi. Il traite avec le marquis Du Guast, son prisonnier ; se déclare pour l’Empereur, et accepte la généralité de ses mers. La conduite de ce vieux politique fut en cela pour le