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porter quantité de paroles, et faire des offres considérables : premièrement, par César Fregoze et Cagnino Gonzague, et ensuite par M. Du Bellai, qui eut des entretiens secrets avec lui par l’entremise de Pierre-Luc de Fiesque.

L’opinion commune de ce temps-là étoit que le pape Paul iii, espérant d’abattre d’un même coup André Doria qu’il haïssoit pour quelques intérêts secrets, et ôter à l’Empereur déjà trop puissant un partisan redoutable, dans l’Italie, avoit travaillé soigneusement à nourrir l’ambition de Jean-Louis de Fiesque, et lui avoit inspiré.les plus forts mouvemens du dessein d’entreprendre sur Gênes.

Il n’y a rien qui flatte si puissamment un homme de cœur et qui le porte à des résolutions si hasardeuses, que de se voir recherché par des personnes qui sont beaucoup au dessus des autres, ou par leur dignité ou par leur réputation. Cette marque de leur estime lui remplit d’abord l’ame d’une grande confiance de lui-même, et lui fait croire qu’il est capable de réussir dans les plus grandes affaires. Celle que Jean-Louis avoit dans l’esprit devoit par cette raison lui paroître glorieuse et facile, puisqu’il s’y voyoit poussé par le plus grand prince de l’Europe et par le plus habile homme de son temps. L’un fut François premier, qui donna ordre à Pierre Strozzi, en passant les montagnes voisines de Gênes avec des troupes, de l’en solliciter de sa part ; et l’autre fut le cardinal Augustin Trivulce, protecteur de France à la cour de Rome, duquel il reçut tous les honneurs imaginables au voyage que le comte y fit pour se divertir en apparence, mais en effet pour communiquer plus aisément son dessein au Pape, et s’instruire mieux de ses sentimens.

Ce cardinal, qui étoit en grande réputation, et qui passoit pour un homme fort éclairé dans les affaires d’État, sut animer Jean-Louis par une émulation. laquelle il n’étoit que trop sensible, en lui mettant devant les yeux, avec tout l’art qui pouvoit exciter sa jalousie, la grandeur présente de Jeannotin Doria, et celle dont il commençoit à s’assurer par les profondes racines qu’il donnoit à son autorité : et augmentant ainsi l’envie qu’il avoit contre l’une, et la crainte qu’il avoit conçue de l’autre, il lui représenta combien il est insupportable à un homme de cœur de vivre dans