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une république, où il ne peut trouver aucun moyen légitime de s’élever, et où le mérite ne met presque pas de différence entre des personnes illustres et les hommes les plus ordinaires.

Après qu’il l’eut bien confirmé dans son dessein, il lui offrit toutes les assistances possibles de la part de la France ; et il pressa si fortement cet esprit déjà ébranlé, qu’enfin il témoigna d’accepter avec beaucoup de joie la proposition qui lui fut faite de lui donner la paie et le commandement de six galères pour le service du Roi, de deux cents hommes de garnison dans Montobio, d’une compagnie de gendarmes, et de douze mille écus de pension ; demandant néanmoins le délai pour en rendre une réponse assurée jusqu’à son retour à Gênes : tant il est vrai qu’il n’y a rien de plus difficile en des affaires d’importance que de prendre sur-le-champ une dernière résolution, parce que la quantité de considérations qui se détruisent l’une l’autre, et qui viennent en foule dans l’esprit, font croire que l’on n’a jamais assez délibéré.

Les actions extraordinaires ressemblent aux coups de foudre : le tonnerre ne fait jamais de violens éclats ni des effets dangereux que quand les exhalaisons dont il se forme se sont longtemps combattues ; autrement ce n’est qu’un amas de vapeurs qui ne produit qu’un bruit sourd, et qui, bien loin de se faire craindre, a de la peine à se faire entendre. Il en est ainsi des résolutions dans les grandes affaires, lorsqu’elles entrent d’abord dans un esprit, et qu’elles y sont reçues sans y trouver que de foibles résistances. C’est une marque infaillible qu’elles n’y font qu’une impression légère et de peu de durée qui peut bien exciter quelque trouble, mais qui ne sera jamais assez forte pour produire aucun effet considérable.

On ne peut pas désavouer avec raison que Jean-Louis de Fiesque n’ait considéré très-mûrement et avec beaucoup de réflexion ce qu’il avoit envie d’entreprendre : car lorsqu’il fut de retour à Gênes, quoiqu’il eût un désir violent d’exécuter son dessein, il balanca long-temps néanmoins sur les diverses routes qui le pouvoient conduire à la fin qu’il s’étoit proposée. Tantôt l’assistance d’un grand roi le faisoit pencher vers le parti de se jeter entre les bras des Français ; tantôt la défiance naturelle que l’on a des étrangers, jointe à certain chatouillement de gloire qui fait toujours