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que le comte Jean-Louis avoit pour lui, qu’elle avança la résolution qu’il avoit prise de le perdre, et lui donna lieu de se servir utilement contre lui des effets de cet orgueil avec lequel Jeannetin prétendait abattre tout le monde.

Le cardinal Augustin Trivulce, qui savoit bien qu’il ne faut pas en ces occasions laisser refroidir les esprits des jeunes gens, lui envoya incontinent après son retour à Gênes, Nicolas Foderato, gentilhomme de Savone et allié de la maison de Fiesque, pour tirer la réponse de ce qu’il avoit résolu. Celui-ci l’ayant trouvé plus aigri que jamais, et dans l’état que nous venons de dire, lui fit signer tout ce qu’il voulut, et s’en retourna aussitôt pour faire ratifier le traité par les ministres du Roi qui étoient à Rome : Mais il n’eut pas fait trente ou quarante lieues, qu’il fut rappelé en grande diligence, le comte ayant fait réflexion qu’il s’étoit trop précipité, et qu’il ne devoit pas conclure une affaire de cette importance sans en conférer avec quelques-uns de ses amis dont il connoissoit la capacité. Il en appela trois sur la fidélité desquels il pouvoit s’assurer, et qu’il estimoit extrêmement pour leurs bonnes qualités ; et après leur avoir déclaré, en général, la résolution qu’il avoit prise de ne plus souffrir le gouvernement présent de la république, il les pria de lui dire leur avis sur ce sujet.

Vincent Calgagno de Varèse, serviteur passionné de la maison de Fiesque, et homme de jugement mais d’un esprit assez timide, commença son discours avec la liberté que lui donnoient ses longs services ; et s’adressant au comte, il parla de la sorte :

« Il me semble que l’on a beaucoup de raison de plaindre le malheur de ceux qui sont embarqués dans les grandes affaires, parce qu’ils sont comme sur une mer agitée ou l’on ne découvre aucun endroit qui ne soit marqué par quelque naufrage. Mais il est juste de redoubler ses frayeurs quand on voit de jeunes personnes que l’on aime exposées à ce danger, puisqu’elles n’ont pas assez de force pour résister à une navigation si pénible, ni assez d’expérience pour éviter les écueils, et se conduire heureusement au port. Tous vos serviteurs doivent être sensiblement touchés des mouvemens où vous porte votre courage. Permettez-moi de vous dire qu’ils sont au dessus de votre jeunesse, et de l’état où vous êtes. Vous pensez à des choses