Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/509

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prendre parti, quelques-uns comme mariniers, et beaucoup même comme forçats.

Verrina fit couler adroitement, dans les compagnies de la ville, quinze ou vingt soldats qui étoient sujets du comte, et en gagna d’autres de la garnison. Il se fit promettre par les plus considérés et les plus entreprenans d’entre le peuple toutes sortes d’assistances pour exécuter, leur disoit-il, un dessein particulier qu’il avoit contre quelques-uns de leurs ennemis. Calcagno et Sacco travailloient de leur côté avec beaucoup de diligence et de soin ; et il me semble que l’on ne peut mieux exprimer l’adresse avec laquelle ces quatre personnes conduisirent cette entreprise, qu’en disant qu’ils y engagèrent plus de dix mille hommes sans en découvrir le véritable sujet à aucun.

Les choses étant ainsi disposées il ne manquoit qu’à choisir le jour pour les exécuter : à quoi il se trouva quelques difficultés. Verrina étoit d’avis que l’on priât à une nouvelle messe André et Jeannetin Doria, et Adam Centurione, avec ceux de la noblesse qui étoient les plus affectionnés à ce parti. Il s’offroit de les tuer lui-même. Cette ouverture fut aussitôt rejetée par le comte, qui conçut une telle horreur de cette proposition, qu’il s’écria que jamais il ne consentiroit à manquer de respect au mystère le plus saint de notre religion, pour faciliter le succès de son dessein. L’on proposa ensuite de prendre l’occasion des noces d’une sœur de Jeannetin Doria avec Jules Cibo, marquis de Masse, beau-frère du comte ; et l’on trouvoit que l’exécution en seroit facile dans cette rencontre, parce que Jean-Louis auroit le prétexte de faire un festin à tous les parens de cette maison, et la commodité entière de les perdre tous à la fois. Mais la générosité du comte s’opposa encore à cette noire trahison, ainsi que beaucoup de personnes l’assurent, et qu’il est aisé à croire d’un homme de son naturel, quoique les partisans de Doria aient publié qu’il avoit résolu de se servir de ce moyen, si une affaire qui engagea ce même jour Jeannetin à un petit voyage hors de Gênes ne lui en eût fait changer la pensée. Enfin après plusieurs délibérations, la nuit du second jour de janvier fut choisie pour cette entreprise, et en même temps les ordres nécessaires furent donnés pour cet effet avec beaucoup de conduite ; Verrina, Calcagno et