Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/510

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Sacco disposant de leur côté ceux qu’ils avoient pratiqués. Le comte fit apporter chez lui secrètement grande quantité d’armes, et envoya remarquer les lieux dont il falloit se rendre maître. Il fit passer peu à peu et sans bruit, dans un corps de logis séparé du reste de son palais, les gens de guerre qui étoient destinés pour commencer l’exécution ; et le jour étant arrivé, le comte, pour mieux couvrir son dessein, fit quantité de visites, et alla même sur le soir au palais de Doria, où, rencontrant les enfans de Jeannetin, il les prit l’un après l’autre entre ses bras, et les caressa long-temps en présence de leur père, qu’il pria ensuite de commander aux officiers de ses galères de ne donner aucun empêchement à la partance de la sienne, qui devoit, la même nuit, faire voile au Levant : après quoi il prit congé de lui avec ses civilités ordinaires, et en retournant à son palais il passa chez Thomas Assereto, où il rencontra plus de trente de ces gentilshommes que l’on appeloit populaires, que Verrina avoit fait trouver par adresse en son logis, d’où le comte les emmena souper avec lui. Quand il fut arrivé, il envoya Verrina par toute la ville, au palais de la république et à celui de Doria, pour observer si l’on n’avoit aucune lumière de son dessein ; et après avoir appris que toutes choses étoient dans le calme accoutumé, il commanda que l’on fermât les portes de son logis, avec ordre néanmoins d’y laisser entrer tous ceux qui le demanderoient, et défense d’en laisser sortir qui que ce soit.

Comme il s’aperçut que ceux qu’il avoit conviés étoient extrêmement étonnés de ne trouver, au lieu d’un festin préparé, que des armes, des gens inconnus et des soldats, il les assembla dans une salle ; et faisant paroître sur son visage une fierté noble et assurée, il leur tint ce discours :

« Mes amis, c’est trop souffrir de l’insolence de Jeannetin et de la tyrannie d’André Doria. Il n’y a pas un moment à perdre, si nous voulons garantir nos vies et notre liberté de l’oppression dont elles sont menacées. Y a-t-il quelqu’un ici qui puisse ignorer le danger pressant où se trouve la république ? À quoi pensez-vous que soient destinées les vingt galères qui assiègent votre port ; tant de forces et d’intelligences que ces deux tyrans ont préparées ? Les voilà sur le point de triompher de