Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 46.djvu/73

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dit, en présence d’une infinité de gens qui étoient dans ma chambre : « Nous ne saluerons plus les premiers présentement. » Ce qu’il disoit, parce que bien que je fusse très-mal avec M. le prince, et que je marchasse presque toujours fort accompagné, je le saluois, comme vous pouvez croire, partout où je le rencontrois, avec tout le respect qui lui étoit dû par tant de titres. Je lui répondis : « Pardonnez-moi, monsieur, nous saluerons toujours les premiers, et plus bas que jamais. À Dieu ne plaise que le bonnet rouge me fasse tourner la tête au point de disputer le rang aux princes du sang ! Il suffit à un gentilhomme d’avoir l’honneur d’être à leur côté. » Cette parole, qui a depuis, à mon sens, comme vous le verrez dans la suite, conservé en France le rang au chapeau, par l’honnêteté de M. le prince et par son amitié pour moi ; cette parole, dis-je, fit un fort bon effet, et elle commença à diminuer l’envie : ce qui est le plus grand de tous les secrets.

Je me servis encore pour cet effet d’un autre moyen. Messieurs les cardinaux de Richelieu et Mazarin, qui avoient confondu le ministériat dans la pourpre, avoient attaché à celle-ci de certaines hauteurs qui ne conviennent à l’autre que quand elles sont jointes ensemble. Il eût été difficile de les séparer en ma personne, au poste où j’étois à Paris. Je le fis de moi-même, en y mettant des circonstances qui firent qu’on ne le pouvoit attribuer qu’à ma modération ; et je déclarai ouvertement que je ne recevrois publiquement que les honneurs qui avoient toujours été rendus aux cardinaux de mon nom. Il n’y a que manière à la plupart des choses du monde.