Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
DE CONRART. [1652]

qui le portoit, dit en grattant ses dents avec ses ongles qu’il n’y pouvoit que faire, et qu’on allât à son neveu de Beaufort. Cela étant rapporté à l’hôtel-de-ville, plusieurs des députés délibérèrent s’ils poignarderoient Goulas ; mais jugeant bien que cela ne leur serviroit de rien, et se trouvant dans une peine très-pressante pour songer à se sauver, ils ne le firent pas.

Quelques uns se retirèrent dans une autre salle, où ils résolurent d’abord de s’enfermer ; mais considérant qu’ils y seroient aisément forcés, ils laissèrent la porte ouverte, et quelque temps après ils y virent entrer environ trente hommes, dont la plupart étoient gens de main et avoient mine de soldats, qui étoient montés par un petit degré après que la porte en eut été brûlée. Quand ils les virent, ils crurent que l’hôtel-de-ville avoit enfin été forcé, et qu’ils seroient tous égorgés. Néanmoins ces gens songeoient plutôt à les piller qu’à les tuer : en effet, dès qu’ils furent entrés ils commencèrent à les fouiller, et à prendre les chapeaux et les manteaux de ceux qui en avoient encore. Car pour tous les gens de justice, ils avoient quitté dès le commencement leurs sotanes[1] et leurs robes ou longs manteaux, tant pour n’être point reconnus que pour être moins embarrassés. Ceux qui avoient de l’argent sur eux le donnèrent ou le laissèrent prendre ; d’autres en promirent à quelques uns de ces voleurs, s’ils les vouloient remener chez eux en sûreté. Le Gras, maître des requêtes, et Doujat, conseiller de la grand’chambre, furent de ce nombre. Ils étoient venus ensemble à l’hôtel-de-ville, étant

  1. Sotanes : Ou soutanes ; habit long que les magistrats de l’ordre judiciaire portent sous la robe, et que l’on appelle aujourd’hui la simarre.