Page:Petitot - Collection complète des mémoires relatifs à l’histoire de France, 2e série, tome 48.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
153
DE CONRART. [1652]

M. le prince le prit d’un ton si haut que tout le monde fut contraint de céder.

Au sortir, M. le prince dit à Croissy, d’un air de raillerie et de mépris, qu’il avoit été tondu. Croissy répondit : « Monsieur, il est vrai que je l’ai été ; mais ce n’a pas été par justice, ç’a été par cabale. — Cabale ! dit M. le prince ; au moins n’en ai-je pas d’autre que pour faire sortir de France le Mazarin. — Monsieur, repartit Croissy, je voudrois que personne n’eût point plus d’intelligence avec lui que moi. » Cette parole offensa fort M. le prince, qui sentit bien que Croissy l’avoit dite pour le piquer, sur ce que tout le monde croyoit que M. le prince avoit fait son accommodement secret avec la cour il y avoit longtemps ; de sorte que M. le prince laissa entendre qu’il s’en ressentiroit : ce que les amis de Croissy ayant appris, ils lui conseillèrent de dissimuler ; et le marquis de Jarzé lui ayant proposé que s’il demeuroit brouillé avec M. le prince, après avoir été toujours ouvertement déclaré pour lui et contre la cour, qu’il s’étoit rendu irréconciliable, il estimoit que cela lui seroit préjudiciable, et que s’il vouloit il parleroit à M. le prince pour l’adoucir, Croissy le pria de lui donner du temps pour y penser ; et en ayant parlé à ses amis, ils lui conseillèrent d’écrire une lettre à Jarzé[1], par laquelle il lui manderoit qu’il étoit marri

  1. À Jarzé : René Du Plessis de La Roche-Pichemer, comte de Jerzé ou Jarzé. C’étoit une créature du prince de Condé, à l’instigation duquel il feignit, en 1649, d’être épris de la reine Anne d’Autriche. Cette impertinence le fit exiler ; et il n’obtint, après une longue disgrâce, de prendre du service en 1672 que pour être tué par une sentinelle dont il n’entendit pas le qui vive ? (Voyez la lettre de Pellisson, du 19 juin 1672,)