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NOTICE

de personnes ont eu comme lui l’amitié, la confiance et le secret de ce qu’il y avoit de plus grand dans tous les États du royaume en hommes et en femmes. On le consultoit sur les plus grandes affaires ; et comme il connoissoit le monde parfaitement, on avoit dans ses lumières une ressource assurée. Il gardoit inviolablement le secret des autres et le sien : on ne pouvoit pourtant pas dire qu’il fût caché, et sa prudence n’avoit rien qui tînt de la finesse. Au reste, s’il disputoit quelquefois, c’étoit pour la vérité qu’il disputoit ; et comme il la préféroit à tout, son amour pour la vérité avoit aux yeux des personnes indifférentes un air d’opiniâtré… Né dans le sein du calvinisme, il eut toujours l’esprit préoccupé de ses erreurs, sans que son cœur en fût moins tendre pour tout ce qu’il connut d’honnêtes gens qui pensoient autrement que lui[1]. »

La vie de Conrart, comme celle de la plupart des gens de lettres, a été simple et uniforme. Retenu souvent par les douleurs de la goutte, dont encore jeune il éprouva les accès, il conversoit avec ses amis, leur écrivoit, lisoit leurs ouvrages, y faisoit des observations, et quelquefois des corrections. On venoit fréquemment le consulter ; car il étoit regardé de son temps comme un des plus sûrs arbitres du goût : ce qui a fait dire à Balzac que Conrart trempoit sa plume dans le sens, et que la raison lui dictoit tout ce qu’il écrivoit[2]. Chapelain, qui ne doit pas toujours être jugé sur sa réputation de poète, et dont l’opinion comme critique n’est pas à rejeter, lui ren-

  1. Histoire de l’Académie, tome 2, page 166. —
  2. Lettres de Balzac à Conrart ; Elzévir, page 136.