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SUR CONRART.

doit en 1662 un témoignage semblable. « C’est un homme, disoit-il, d’une singulière vertu, et d’un jugement très-net en tout : ce qui le fait consulter par les plus excellens écrivains français, qui se trouvent bien de ses remarques. Personne n’écrit plus purement en prose que lui ; et quoique ses lettres ne s’élèvent pas jusques à l’éloquence…, néanmoins l’élégance, la pureté et l’ordre y reluisent de telle sorte, qu’elles sont égales en beauté et en agrément aux meilleures que nous ayons[1]. »

La maison de Conrart étoit le rendez-vous ordinaire de ses amis, qui étoient en grand nombre ; car il avoit la prétention, et, si l’on veut, la manie, d’être bien avec tous les gens à réputation[2]. Aussi le regardoit-on comme l’appui et le protecteur des gens de lettres ; et il se forma sous ses auspices beaucoup de liaisons littéraires, fondées sur l’estime et sur la conformité des goûts, qui ne contribuèrent pas moins à polir les mœurs qu’à perfectionner la littérature. Plusieurs personnages, qui parvinrent depuis à la célébrité, durent à Conrart d’avoir fait ce premier pas que le mérite délaissé, parce qu’on l’ignore, franchit avec tant de peine. Il présenta

  1. Mélanges de littérature, tirés des lettres manuscrites de Chapelain ; Paris, 1726, p. 231. —
  2. Quel que fût le mérite de Conrart, il n’a pas eu plus qu’un autre le don de plaire à tous ses contemporains. Gédéon Tallemant-des-Réaux, après avoir été long-temps son ami, conçut pour Conrart une telle aversion, que, dans les Mémoires qu’il nous a laissés, il semble ne s’attacher qu’à verser sur lui le ridicule à pleines mains. Il raconte, entre autres choses, que le poëte Malleville, plaisantant sur ce que le secrétaire perpétuel vouloit être l’ami de tout le monde, disoit qu’il lui sembloit que Conrart alloit criant par les rues : « Ah, ma belle amitié ! Qui en veut, qui en veut, de ma belle amitié ? »