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DE CONRART. [1652]

morte, elle demeuroit avec sa sœur aînée, mariée à Louvigny, secrétaire du Roi et homme d’affaires, fils de Louvigny, orfèvre, et valet de chambre du Roi. Quoique cette sœur aînée soit fort modeste, et n’eût point accoutumé de vivre dans le grand monde, depuis que cette cadette fut sous sa conduite tous les galans de la cour et de la ville s’introduisirent petit à petit chez elle ; et quand ils eurent commencé à y aller, il fut impossible de les en bannir, d’autant plus que la demoiselle aimoit leur entretien, et les attiroit plutôt que de les chasser. Ainsi l’on parloit par tout Paris de Lolo : on ne l’appeloit point autrement dans le monde, à cause du nom de Charlotte qu’elle porte. Cependant ce grand abord de gens de toutes conditions, cette réputation si générale de la beauté de cette fille, et la vanité et la hardiesse que l’on voyoit croître en elle de jour en jour, jointe à une grande naïveté et simplicité qui lui sont naturelles, faisoient craindre au père qu’il n’en arrivât quelque accident ; si bien que Gondran, qui est fils de Galland, avocat célèbre, et qui a laissé quelque bien assez honnête pour sa condition, en étant devenu amoureux, et l’ayant fait demander en mariage, il se résolut à la lui donner, quoique avec répugnance, à cause de l’humeur brutale de ce garçon, de ses débauches et de son oisiveté, n’ayant jamais voulu travailler au Palais, encore que la mémoire de son père et de son frère aîné, qui y avoient été tous deux en estime, lui eût pu donner grande facilité à y réussir, s’il eût voulu travailler comme il le pouvoit. Outre cela cette famille, qui a toujours été arrogante et impérieuse, ne plaisoit pas aux autres familles ; et il n’y