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DE CONRART.

souper point du tout, pratiquant une abstinence presque aussi grande que celle de Cornaro[1], mais non pas aussi réglée, ni accompagnée d’autant de tranquillité : ce qui ne contribue pas moins que la sobriété à la vie longue et heureuse.

Se trouvant donc en cet état, les médecins, qui ne jugeoient de son mal que par la fièvre qui étoit médiocre, et non pas par son agitation d’esprit, croyoient que ce n’étoit rien. Mais lui qui se sentoit, et qui jugeoit bien que, dans le combat qui se faisoit entre les passions de son ame et l’affoiblissement de ses sens et de son corps, il ne pouvoit plus résister, et qu’il falloit qu’il succombât, disoit à ceux qui l’approchoient qu’il n’en releveroit point.

Dans cette pensée, il demanda Saint-Quelain, prêtre de Port-Royal, qui étoit son confesseur ordinaire, et lui parla comme un homme qui se disposoit à mourir. Saint-Quelain, à qui Chavigny avoit fait entendre plusieurs fois qu’il vouloit mettre sa conscience en repos touchant le bien qu’il possédoit, et faire de grandes aumônes aux pauvres pour lui tenir lieu de restitution, lui dit, avant que d’entendre sa confession, qu’il étoit bien aise de l’avertir que, pour ce qui regardoit son bien et la manière dont il l’avoit acquis, cela n’entreroit point en leur entretien, parce que lui-même devoit être son propre juge, et que s’il avoit des restitutions à faire, elles devoient précéder sa confession pour la rendre légi-

  1. Celle de Cornaro : Louis Cornaro, vénitien, après avoir détruit sa santé par toutes sortes d’excès, s’imposa un régime de vie si réglé et si sobre, qu’il vécut près d’un siècle. Il mourut à Padoue en 1566.