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MÉMOIRES

Le lendemain, Guerapin, maître des comptes, et qui avoit été premier commis de d’Emery avant sa retraite, alla voir M. d’Avaux, et lui dit que M. d’Emery ayant jeté les yeux sur lui pour lui donner la commission de l’épargne, selon la parole qu’il lui avoit donnée le jour précédent qu’il la lui laisseroit, il venoit lui offrir son service, et lui rendre grâce de ce qu’il l’avoit agréé. À quoi M. d’Avaux ne répondit que par des paroles de civilité ; et depuis les choses sont demeurées en ces termes.

M. d’Avaux ne tarda guère à s’ennuyer de cet emploi, dans lequel n’ayant pas été nourri, et consistant en plusieurs choses basses et peu convenables à la délicatesse de son esprit, il ne trouvoit pas autrement sa satisfaction dans l’exercice de sa charge ; et sans l’exercice son humeur altière ne pouvoit aussi être contente.

J’ai oublié à dire que pendant que M. d’Emery étoit retiré à sa maison de Châteauneuf, il tenoit tous les jours grande table, recevoit bien toute la noblesse du pays, la caressoit, prêtoit de l’argent à ceux qui en avoient besoin, et se mit bien ainsi dans tout le pays. Mais avec tout cela, quoiqu’il eût très-grand sujet de se croire heureux, il ne songeoit qu’à revenir à Paris, et mettoit toute sa félicité à rentrer dans les affaires ; de sorte que quand quelqu’un qui venoit de Paris passoit proche du lieu où il étoit, il le faisoit prier de l’aller voir, le recevoit avec mille caresses, de quelque petite condition qu’il fût ; il le traitoit bien, l’entretenoit avec plaisir, et ne le pouvoit laisser aller qu’avec peine, et après une fort longue conversation.