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DE CONRART. [1652]

craint que vous ne soyez l’auteur de ses misères : tant il est vrai que les sentimens d’un peuple qui ne juge des choses que par l’extérieur sont inconstans et dangereux. Il ne craint rien néanmoins, tant que l’union régnera dans la maison royale ; mais il craint tout, aussitôt que cette harmonie si désirable recevra quelque sorte d’altération. Je ne puis dissimuler, Monsieur, en la place que j’ai l’honneur de tenir dans la compagnie, qu’après la déclaration du Roi contre M. le prince de Condé, et après plusieurs combats donnés ou soutenus contre les troupes de Sa Majesté, il y a sujet de s’étonner de le voir maintenant revenir non-seulement dans Paris sans avoir obtenu des lettres d’abolition et de rémission pour se justifier, mais encore paroître dans les compagnies souveraines, comme triomphant des dépouilles des sujets de Sa Majesté, et, ce qui est de plus étrange, faire battre le tambour pour lever des troupes, des deniers qui viennent d’Espagne, dans la capitale du royaume, qui est la plus fidèle qu’ait le Roi. »

Il faut remarquer que M. le duc d’Orléans releva ces mots ; des deniers qui viennent d’Espagne, disant : « Monsieur, que dites-vous là ? vous nous traitez plus mal que le président Bailleul[1]. » Et M. le prince, parlant avec plus de chaleur, dit tout en dés-

  1. Plus mal que le président Bailleul : Les princes avoient éte au parlement le 12 avril, et le président de Bailleul avoit exprimé au prince de Condé sa douleur de lui voir les mains encore teintes du sang des gens du Roi tués à Bleneau. Le président fut désavoué par le banc des enquêtes ; ce qui jeta le parlement dans un véritable tumulte. (Voyez les Mémoires du cardinal de Retz, tome 46, page 74, de cette série.)