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DU PÈRE BERTHOD. [1652]

rouge, il les prit par la main, et se mettant au milieu d’elles, passe au travers des gardes en chantant et se divertissant, comme une personne qui ne pensoit qu’à se réjouir. Si le père fut aise de se voir hors des pattes des ormistes, il ne le fut pas moins quand il eut la satisfaction de voir passer les trois demoiselles avec les papiers au travers de ces coquins, sans qu’elles fussent fouillées. Mais cette joie ne dura pas longtemps ; car le père Berthod ayant quitté sa compagnie au fond du Charton, et ayant fait une lieue avec son hôte qui l’accompagnoit, portant tous deux leurs papiers, ils trouvèrent trois brigantins ennemis à terre, et les officiers et les soldats dans leur chemin, avec une sentinelle qui arretoit les passans. D’abord l’hôte dit au père qu’ils étoient perdus, et qu’il étoit impossible d’échapper. Le père Berthod voyant qu’ils ne pouvoient reculer à moins que de donner mauvaise opinion d’eux, et de faire tirer sur eux s’ils n’arrêtoient, dit à son hôte de tenir bonne mine, de n’avoir point de peur, et qu’il le laissât faire. Pour ôter tout soupçon à ces soldats, le père Berthod s’avance à la sentinelle, et lui demande à parler à son capitaine, lequel étant venu, lui dit en langage bordelais qu’il le prioit de lui prêter une de ses chaloupes, et des matelots qui le pussent passer au-delà de la rivière au-dessous de Lormont, en un petit bien qu’il avoit là ; que les bateliers de Bordeaux lui en avoient refusé, quoiqu’il fût de leur parti, et leur compatriote. Le capitaine s’excusa, sur le danger qu’il y avoit de passer delà Lormont, où étoient les Irlandais, qui tiroient sur eux et qui les pilloient, quoiqu’ils fussent tous à M. le prince.