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DE CONRART. [1652]

gner Saint-Cloud et Poissy. Le même matin, M. d’Orléans, et toute la noblesse de son parti, alla voir faire montre au gros de ses troupes et de celles de M. le prince, sur la montagne de Châtillon, proche de Montrouge ; elles n’étoient pas en fort bon ordre. M. d’Orléans avoit toujours les yeux tournés vers le lieu où étoit campé le maréchal de Turenne ; et ayant aperçu de loin quelque chose qui venoit vers lui, il commanda avec grand empressement que l’on allât reconnoître ce que c’étoit. Il se trouva que c’étoit un paysan monté sur un méchant bidet, et deux femmes sur deux ânes. Après il fit défense aux soldats de gâter les blés, et les menaça de les faire pendre s’ils ne lui obéissoient ; et aussitôt il se mit à siffler, paroissant ainsi toujours fort distrait et fort inquiet, et ne s’arrêtant à aucune chose, mais changeant incessamment d’objet et de pensées.

Un gentilhomme de Bretagne, nommé le marquis de Tonquedec, parent de la dame de Rohan la fille, du côté d’Epinay, étoit attaché à Chabot, duc de Rohan, et lui avoit promis de faire un régiment pour lui dans le parti des princes : ce que non-seulement il n’exécuta point, mais il s’attacha à la cour et au cardinal Mazarin. Le duc de Rohan depuis cela se plaignit de lui, et ils ne se voyoient plus. Le mardi 18 juin, Tonquedec étant chez la veuve du marquis de Sévigné[1], le duc de Rohan y arriva. Tonquedec, qui étoit dans une chaise à bras, au chevet du lit dans la ruelle, se leva à demi, ôta son chapeau et se rassit avant que le duc de Rohan eût un siége, et sans

  1. La veuve du marquis de Sévigné : Marie de Rabutin Chantal, marquise de Sévigné, l’épistolaire inimitable.