mains. « Hélas ! hélas ! s’écrie-t-il, il est donc vrai que le vin vit plus longtemps que nous autres, pauvres petits hommes ! Donc, passons la nuit à boire. Le vin, c’est la vie. C’est de l’Opimien véritable que je vous sers. Hier le vin était moins bon, bien que la société fût beaucoup plus choisie. »
Nous buvions donc, attentifs à ne rien perdre de tant de merveilles, quand un esclave apporte un squelette d’argent[1], si bien ajusté que ses articulations et ses vertèbres se mouvaient avec souplesse dans tous les sens[2]. Quand, deux ou trois fois, l’esclave l’ayant mis sur la table, lui eut fait prendre diverses attitudes en agissant sur les ressorts, Trimalcion s’écria :
Hélas ! hélas ! malheureux que nous sommes. Néant que toute cette chétive humanité !
Combien fragile la trame frêle de nos jours fugitifs !
Voilà comme nous serons tous, quand l’Orcus nous réclamera.
Vivons donc, tant que nous pouvons jouir encore de la vie[3].
XXXV. LE SECOND SERVICE : LE ZODIAQUE
Cette oraison funèbre fut suivie du second service, dont l’importance ne répondit pas à notre attente. Cepen-
- ↑ Hérodote (liv. II, chap. 78) parle déjà d’un spectacle de ce genre. D’après Plutarque, il y avait là un usage emprunté par les Grecs aux Égyptiens. Trimalcion a machiné sans doute cette scène pour avoir l’occasion de montrer son esprit.
- ↑ Ce n’est pas par hasard que le squelette vient après le vin de cent ans. L’un et l’autre font penser à la brièveté de la vie et sont destinés à amener les vers que récite Trimalcion. On verra par la suite que dans ce repas tout est truqué les incidents en apparence imprévus ont été à l’avance réglés avec soin pour permettre au maître de faire montre soit de sa richesse, soit de son esprit.
- ↑ L’auteur a voulu que les vers mêmes du Banquet fussent mauvais.