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Page:Peyrebrune - Gatienne.djvu/140

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gatienne

grille qui ouvrait sur le chemin de halage, une pente légère amenait à la yole. Fabrice la détacha, prit les rames ; Gatienne se coucha dans le bateau, à ses pieds, entre ses genoux écartés, appuyant sur l’un d’eux sa tête renversée pour le voir et pour qu’il pût voir, lui, filer le ciel et les étoiles dans les yeux qu’elle fixait sur lui.

Ils se laissèrent couler vers Suresnes, longeant le bord, afin d’éviter la rencontre des Hirondelles. Un demi-jour pâle venait de la lune largement épandue, très grosse au-dessus des coteaux de Saint-Cloud. La Seine, d’un bleu d’argent, charriait des flottées d’astres. Il disait :

— Ne t’inquiète pas : tout marchera à souhait. Cette banque, c’est la fortune. Je la voulais… pour toi.

Elle remua doucement les épaules, roula sa tête, le mordilla au bras, à travers la manche : elle jouait.

Il se penchait sur ses lèvres, la menaçant d’aller à la dérive.

Elle se pelotonna, bien sage ; il reprit :

— J’enrage quand tu vas en fiacre. Toi, ton élégance, ta délicatesse, ton parfum, dans ces boîtes puantes où gîtent les premiers couples