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Page:Peyrebrune - Les femmes qui tombent, 1882.djvu/20

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les femmes qui tombent

veston court, le bonnet de velours derrière la tête, se balance, impatient, affamé, lorgnant la table.

De temps à autre, il lève le nez vers le cartel, frotte sa calotte sur son crâne et grommelle :

— Que diable fait-elle dehors à cette heure-ci ?

Une jeune fille va et vient, avec une lenteur rêveuse ; elle ajoute quelque chose au couvert, avance les chaises, retourne à la cuisine, revient, regarde l’heure, s’approche de la fenêtre, et le rideau écarté, cherche à voir au dehors.

La neige tombe très fine, brouillant les objets, enveloppant le gaz d’une buée grise qui l’éteint. Les passants très rares, filent vite sous le parapluie qui les coiffe. Les voitures roulent sur la ouate.

— À quelle heure est-elle sortie ? demande pour la dixième fois le petit homme.

La jeune fille se rapprocha, anxieuse maintenant, répondant plutôt à elle-même.

— C’est étrange, elle avait audience pour six heures. Elle est partie à cinq heures et demie…

Il reprit :

— Eh ! au fait, il n’y a pas de temps de perdu. Il y avait peut-être beaucoup de monde. Elle a pu n’être reçue qu’à sept heures.

— Eh bien, dit-elle, une audience dure à peine cinq minutes : rappelle-toi les autres fois. Elle serait rentrée si quelque accident…

— Bon, on dirait que tu ne connais pas ta mère !