Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/180

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effet, et, après la chute de l’Empire romain, dans les premiers siècles de l’Église, les esclaves ne constituaient pas une race spéciale. Ils n’eurent pas, en particulier, à subir l’influence du préjugé de couleur ; on ne les maintint pas systématiquement dans un état d’infériorité intellectuelle aussi absolue. Sous l’influence du changement des mœurs, des progrès de la philosophie, du christianisme, qui correspondent à l’amélioration de la législation les concernant, il n’était pas rare de voir certains d’entre eux s’élever dans la société. Rien de pareil aux colonies pour les nègres esclaves. Aussi les assimilations tentées entre l’esclavage antique et l’esclavage moderne sont-elles restées sans effet.

M. Gaffarel[1] fait erreur lorsqu’il écrit à propos du Code Noir : « On y constate une singulière préoccupation d’empêcher la fusion des deux races. Ne pouvant empêcher les rapprochements charnels, il interdit tout rapprochement légal. » Nous n’avons, pour le réfuter, qu’à le renvoyer à l’article 9, où il est question de mariages réguliers possibles entre hommes libres et femmes esclaves. Ce qui est vrai, c’est que le préjugé social empêcha presque toujours dans la pratique ces unions légitimes. La contradiction est presque constante entre les dispositions légales et les faits. Si les juristes de la métropole admirent sans hésitation le principe des mariages entre les deux races, les mœurs des colons y répugnèrent sans cesse. Passe encore d’avoir une esclave pour concubine ; pour femme, non. Mais c’est la question des enfants qui devint capitale. Les pères ne voulaient pas qu’ils restassent esclaves. La mère continuerait-elle donc à l’être ? De là des affranchissements très nombreux, auxquels on se verra forcé, à diverses reprises, de mettre des restrictions, à la fois pour réprimer le libertinage et pour empêcher la trop grande diminution du nombre des esclaves qui, par suite de ces faits, ne se renouvelaient pas au moyen de la reproduction.

  1. Colonies françaises, p. 207.