Page:Peytraud - L'esclavage aux Antilles françaises avant 1789, 1897.djvu/181

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Ainsi la fusion des races s’opéra de fait, mais non en droit. La conséquence devait être la prédominance du nombre des mulâtres devenus libres, mais avec lesquels les blancs ne s’unirent guère non plus légitimement. On sait avec quelle ténacité s’est conservé aux colonies le préjugé contre les sang-mêlé. S’il n’avait pas existé primitivement à ce degré, qui sait s’il ne se serait pas produit une assimilation progressive qui insensiblement aurait, par la force des choses, amené la disparition de l’esclavage ?

Quoi qu’il en soit, la promulgation du Code Noir fut assurément un bienfait pour les esclaves. C’est une œuvre humaine pour l’époque, surtout si on la compare à la législation qui existait sur ce point chez les autres nations. Quelque intérêt que dût offrir cette comparaison faite en détail, nous avons dû pourtant nous en abstenir, car cette étude nous eût entraîné trop loin[1]. Mais l’idée générale de la douceur relative avec laquelle les Français traitaient leurs esclaves est admise par tous ceux qui se sont occupés de ces questions[2]. Et pourtant nous verrons quelle était leur situation. Ce n’est que vers la fin du xviiie siècle qu’on songera vraiment qu’ils sont hommes comme nous. Mais, comme on l’a dit : « Il ne faudrait pas chercher dans la pensée de Colbert la moindre trace d’humanité ou ce philosophisme qui va se saisir de la question après lui ; il en est à cent lieues. Pour lui, il n’y a en tout cela qu’un intérêt commercial. Comme jadis le vieux Caton, il est doux et humain envers les esclaves, par spéculation[3]. »

  1. On peut consulter, à ce sujet, Petit, Dissertation sur le droit public des colonies françaises, espagnoles et anglaises d’après les lois des trois nations comparées entre elles.
  2. Cf., en particulier, Schœlcher, Colonies françaises et Colonies étrangères.
  3. Deschamps, Histoire de la question coloniale en France, p. 154.