Page:Philostrate - Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, 1862.djvu/12

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montrer, dans un exemple illustre, les lointaines origines de croyances qui font tant de bruit autour de nous, et qui sont moins nouvelles qu’elles ne le paraissent. Il nous a semblé qu’il n’était pas sans intérêt, pour l’historien et pour le psychologue, de voir quelle peut être la ténacité de ces opinions, qui ne s’inquiètent nullement des démentis de la science, et qui ne s’effacent un instant que pour reparaître bientôt avec plus d’intensité.

Les hommes de science positive sont portés à oublier une chose : c’est que le goût du merveilleux, du surnaturel, et cela indépendamment de ce qui touche à l’Être suprême, est un des besoins de l’esprit humain. Ce besoin se fait sentir avec une force irrésistible chez certaines natures, même au milieu d’une société chrétienne, et parmi les âmes dont la foi est la plus entière en une religion arrêtée, définie, déterminée ; il en est qui ne trouvent pas dans les dogmes révélés un aliment suffisant à leur imagination impatiente ; il leur faut s’élancer au delà et pénétrer plus avant dans les mystères de la tombe. En vain leur curiosité est-elle blâmée comme indiscrète : l’attrait du merveilleux est le plus fort, et nous connaissons des chrétiens convaincus qui ne craignent pas de s’y abandonner. Qu’était-ce donc dans les siècles qui ont suivi l’apparition du christianisme, alors que toutes les vieilles croyances étaient ébranlées et que les nouvelles n’étaient pas encore solidement assises ?

Le rhéteur qui a écrit la Vie d’Apollonius de Tyane, Philostrate[1], était un homme curieux de merveilleux. On le

  1. Flavius Philostrate naquit à Lemnos, sous le règne de Néron. On ignore la date précise de sa naissance et de sa mort. Tout ce qu’on sait de lui, c’est qu’il enseigna la rhétorique à Athènes et à Rome, et se concilia la faveur de l’impératrice Julia Domna, femme de Septime-Sévère, qui lui demanda d’écrire la Vie d’Apollonius de Tyane (V. p. 5 et 427). Il