Page:Philostrate - Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, 1862.djvu/52

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autrefois détrôné, et qui vient de rentrer dans son royaume ? — C’est lui-même, homme divin : car il y a déjà longtemps que le bruit de ton nom est venu jusqu’à nous. À un homme sage, notre roi céderait même son trône d’or, et il est probable qu’il vous fera conduire, chacun sur un chameau, jusque dans l’Inde. Pour moi, je veux que tu sois mon hôte, et de toutes ces richesses (il montrait ses trésors), je te donne ce que tu voudras prendre, quand tu voudrais y puiser non pas une fois, mais dix fois. » Apollonius refusa d’accepter de l’argent. « Accepte au moins, reprit le satrape, une amphore de ce vin de Babylone, dont le roi donne à ses dix satrapes, des rôtis de porc et de chèvre, de la farine, du pain et tout ce que tu voudras : car sur la route qu’il te reste à parcourir, dans l’espace de plusieurs stades, il n’y a que des bourgades où tu auras de la peine à trouver des provisions. » Puis, après quelques moments de réflexion : « Grands dieux ! s’écria l’eunuque, que fais-je ? Je sais que ce sage ne mange pas de viande et ne boit pas de vin, et je lui offre une nourriture épaisse et malséante ! — Il dépend de vous, répondit Apollonius, de m’offrir une nourriture légère : donnez-moi du pain et des fruits. — Je vais te donner du pain levé, de grosses dattes dorées, et les divers légumes qui viennent dans les jardins arrosés par le Tigre. — J’aime mieux les légumes sauvages que les plantes cultivées et qui sont les produits de l’art. — Ils valent mieux, dit le satrape, mais l’absinthe qui croît en abondance dans les terres autour de Babylone rend ces légumes désagréables et amers. » Apollonius finit par accepter les dernières offres du satrape, et lui dit : « Il est bon de bien commencer, comme de bien finir, » voulant ainsi lui faire regretter les menaces qu’il lui avait faites d’abord et le langage inhumain qu’il avait tenu.