Page:Philostrate - Apollonius de Tyane, sa vie, ses voyages, ses prodiges, 1862.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

XXII. Apollonius et ses compagnons, étant partis, rencontrèrent à vingt stades de là une lionne tuée dans une chasse. C’était une bête d’une grosseur énorme, et telle qu’on n’en avait jamais vu de pareille. Les habitants du bourg, qui étaient accourus en foule, et les chasseurs mêmes poussaient des cris de surprise, comme à la vue d’une chose extraordinaire ; et en effet c’en était une. Quand on ouvrit cette lionne, on trouva dans son corps huit petits. Or, les lionnes portent six mois, elles ne mettent bas que trois fois pendant leur vie : elles font la première fois trois lionceaux, deux la seconde, un la troisième, et celui-là, je pense, plus grand et plus féroce que les autres. Il ne faut pas ajouter foi à ceux qui disent que les lionceaux viennent au monde en déchirant le ventre de leur mère : il semble en effet que la nature ait inspiré aux petits des animaux pour leurs mères, et aux mères pour leurs petits, un amour réciproque en vue de la conservation de l’espèce. Apollonius, après avoir vu cette portée monstrueuse, se tut quelque temps ; puis, s’adressant à Damis : « Notre séjour chez le roi de l’Inde, lui dit-il, sera d’un an et huit mois : il ne nous laissera pas partir plus tôt. Le nombre des lionceaux nous fait conjecturer les mois, et la lionne l’année. Il faut comparer le complet au complet. — Mais, dit Damis, que signifient les huit passereaux d’Homère, dévorés à Aulis par un dragon, avec leur mère ? Calchas, interprétant ce songe, prédit que Troie ne serait prise qu’après neuf ans de siège[1]. Peut-être, d’après Homère et Calchas, notre voyage doit-il durer neuf ans. — Homère, répondit Apollonius, a raison de comparer les passereaux à des années : car ils sont nés, et ils vivent ; mais des animaux qui ne sont pas encore complètement formés, qui ne sont pas

  1. Iliade, II, v. 307.