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objurgation.

65. — Puisque je tiens les docteurs à diplôme, je ne veux pas mourir sans leur reprocher l’extrême sévérité dont ils usent envers leurs malades.

Dès qu’on a le malheur de tomber dans leurs mains, il faut subir une kyrielle de défenses, et renoncer à tout ce que nos habitudes ont d’agréable.

Je m’élève contre la plupart de ces interdictions comme inutiles.

Je dis inutiles, parce que les malades n’appètent presque jamais ce qui leur serait nuisible.

Le médecin rationnel ne doit jamais perdre de vue la tendance naturelle de nos penchants, ni oublier que si les sensations douloureuses sont funestes par leur nature, celles qui sont agréables disposent à la santé. On a vu un peu de vin, une cuillerée de café, quelques gouttes de liqueur, rappeler le sourire sur les faces les plus hippocratiques.

Au surplus, il faut qu’ils sachent bien, ces ordonnateurs sévères, que leurs prescriptions restent presque toujours sans effet ; le malade cherche à s’y soustraire ; ceux qui l’environnent ne manquent jamais de raisons pour lui complaire, et on n’en meurt ni plus ni moins.

La ration d’un Russe malade, en 1815, aurait grisé un fort de la halle, et celle des Anglais eût rassasié un Limousin. Et il n’y avait pas de retranchement à y faire, car des inspecteurs militaires parcouraient sans cesse nos hôpitaux, et surveillaient à la fois la fourniture et la consommation.

J’émets mon avis avec d’autant plus de confiance qu’il est appuyé sur des faits nombreux, et que les praticiens les plus heureux se rapprochent de ce système.