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Plusieurs ordres monastiques, les Bernardins surtout, faisaient profession de bonne chère. Les cuisiniers du clergé ont reculé les limites de l’art ; et quand M. de Pressigny (mort archevêque de Besançon) revint du conclave qui avait nommé Pie VI, il disait que le meilleur dîner qu’il eût fait à Rome avait été chez le général des Capucins.

les chevaliers et les abbés.

63. — Nous ne pouvons mieux finir cet article qu’en faisant une mention honorable de deux corporations que nous avons vues dans toute leur gloire, et que la Révolution a éclipsées : les chevaliers et les abbés.

Qu’ils étaient gourmands, ces chers amis ! il était impossible de s’y méprendre à leurs narines ouvertes, à leurs yeux écarquillés, à leurs lèvres vernissées, à leur langue promeneuse ; cependant chaque classe avait une manière de manger qui lui était particulière.

Les chevaliers avaient quelque chose de militaire dans leur pose ; ils s’administraient les morceaux avec dignité, les travaillaient avec calme, et promenaient horizontalement, du maître à la maîtresse de la maison, des regards approbateurs.

Les abbés, au contraire, se pelotonnaient pour se rapprocher de l’assiette ; leur main droite s’arrondissait comme la patte du chat qui tire les marrons du feu ; leur physionomie était toute jouissance, et leur regard avait quelque chose de concentré qu’il est plus facile de concevoir que de peindre.

Comme les trois quarts de ceux qui composent la génération actuelle n’ont rien vu qui ressemble aux chevaliers et aux abbés que nous venons de désigner, et qu’il est cependant indispensable de les reconnaître