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laire, la volonté dure encore : on pourrait se réveiller, l’œil n’a pas encore perdu toute sa puissance. Non omnibus dormio, disait Mécènes ; et dans cet état plus d’un mari a acquis de fâcheuses certitudes. Quelques idées naissent encore, mais elles sont incohérentes ; on a des lueurs douteuses ; on croit voir voltiger des objets mal terminés. Cet état dure peu ; bientôt tout disparaît, tout ébranlement cesse, et on tombe dans le sommeil absolu.

Que fait l’âme pendant ce temps ? elle vit en elle-même ; elle est comme le pilote pendant le calme, comme un miroir pendant la nuit, comme un luth dont personne ne touche ; elle attend de nouvelles excitations.

Cependant quelques psychologues, et entre autres M. le comte de Redern, prétendent que l’âme ne cesse jamais d’agir ; et ce dernier en donne pour preuve que tout homme que l’on arrache à son premier sommeil éprouve la sensation de celui qu’on trouble dans une opération à laquelle il serait sérieusement occupé.

Cette observation n’est pas sans fondement, et mérite d’être attentivement vérifiée.

Au surplus, cet état d’anéantissement absolu est de peu de durée (il ne passe presque jamais cinq ou six heures) ; peu à peu les pertes se réparent ; un sentiment obscur d’existence commence à renaître, et le dormeur passe dans l’empire des songes.