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seulement il jouait bien tous les jeux anciens, tels que l’hombre, le piquet, le whist, mais encore que, quand la mode en introduisait un nouveau, dès la troisième partie il en connaissait toutes les finesses.

Or, ce M. Chirol fut aussi frappé de paralysie, et le coup fut tel qu’il tomba dans un état d’insensibilité presque absolue. Deux choses cependant furent épargnées, les facultés digestives et la faculté de jouer.

Il venait tous les jours dans la maison où depuis plus de vingt ans il avait coutume de faire sa partie, s’asseyait en un coin, et y demeurait immobile et somnolent sans s’occuper en rien de ce qui se passait autour de lui.

Le moment d’arranger les parties étant venu, on lui proposait d’y prendre part ; il acceptait toujours, et se traînait vers la table ; et là, on pouvait se convaincre que la maladie qui avait paralysé la plus grande partie de ses facultés ne lui avait pas fait perdre un point de son jeu. Peu de temps avant sa mort, M. Chirol donna une preuve authentique de l’intégrité de son existence comme joueur.

Il nous survint à Belley un banquier de Paris qui s’appelait, je crois, M. Delins ; il était porteur de lettres de recommandation ; il était étranger, il était Parisien : c’était plus qu’il n’en fallait dans une petite ville pour qu’on s’empressât à faire tout ce qui pouvait lui être agréable.

M. Delins était gourmand et joueur. Sous le premier rapport on lui donna suffisamment d’occupation en le tenant chaque jour cinq ou six heures à table ; sous le second rapport, il était plus difficile à amuser : il avait un grand amour pour le piquet, et parlait de jouer à six francs la fiche, ce qui excédait de beaucoup le taux de notre jeu le plus cher.

Pour surmonter cet obstacle, on fit une société où