Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/238

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Il partage son travail de manière à ne jamais s’excéder ; il le rend plus léger en le variant avec discernement et rafraîchit son aptitude par de courts intervalles de repos qui la soulagent sans interrompre la continuité, qui est quelquefois un devoir.

Si, pendant le jour, un repos plus long lui est nécessaire, il ne s’y livre jamais que dans l’attitude de session ; il se refuse au sommeil, à moins qu’il n’y soit invinciblement entraîné, et se garde bien surtout d’en contracter l’habitude.

Quand la nuit a amené l’heure du repos diurnal, il se retire dans une chambre aérée, ne s’entoure point de rideaux qui lui feraient cent fois respirer le même air, et se garde bien de fermer les volets de ses croisées, afin que, toutes les fois que son cil s’entr’ouvrirait, il soit consolé par un reste de lumière.

Il s’étend dans un lit légèrement relevé vers la tête ; son oreiller est de crin ; son bonnet de nuit est de toile ; son buste n’est point accablé sous le poids des couvertures ; mais il a soin que ses pieds soient chaudement couverts.

Il a mangé avec discernement, ne s’est refusé à la bonne ni à l’excellente chère : il a bu les meilleurs vins, et avec précaution, même les plus fameux. Au dessert, il a plus parlé de galanterie que de politique, et a fait plus de madrigaux que d’épigrammes ; il a pris une tasse de café, si sa constitution s’y prête, et accepté, après quelques instants, une cuillerée d’excellente liqueur, seulement pour parfumer sa bouche. En tout il s’est montré convive aimable, amateur distingué, et l’a cependant outrepassé que de peu la limite du besoin.

En cet état, il se couche content de lui et des autres, ses yeux se ferment ; il traverse le crépuscule et tombe, pour quelques heures, dans le sommeil absolu.