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DE LA MORT.

Ce furent ses dernières paroles, et une demi-heure après elle s’était endormie pour toujours.

Le docteur Richerand a décrit avec tant de vérité et de philosophie les dernières dégradations du corps humain et les derniers moments de l’individu, que mes lecteurs me sauront gré de leur faire connaître le passage suivant :

« Voici l’ordre dans lequel les facultés intellectuelles cessent et se décomposent. La raison, cet attribut dont l’homme se prétend le possesseur exclusif, l’abandonne la première. Il perd d’abord la puissance d’associer des jugements, et bientôt après celle de comparer, d’assembler, de combiner, de joindre ensemble plusieurs idées pour prononcer sur leurs rapports. On dit alors que le malade perd la tête, qu’il déraisonne, qu’il est en délire. Celui-ci roule ordinairement sur les idées les plus familières à l’individu ; la passion dominante s’y fait aisément reconnaître : l’avare tient sur ses trésors enfouis les propos les plus indiscrets ; tel autre meurt assiégé de religieuses terreurs. Souvenirs délicieux de la patrie absente, vous vous réveillez alors avec tous vos charmes et toute votre énergie !

Après le raisonnement et le jugement, c’est la faculté d’associer des idées qui se trouve frappée de la destruction successive. Ceci arrive dans l’état connu sous le nom de défaillance, comme je l’ai éprouvé sur moi-même. Je causais avec un de mes amis, lorsque j’éprouvai une difficulté insurmontable à joindre deux idées sur la ressemblance desquelles je voulais former un jugement ; cependant la syncope n’était pas complète ; je conservais encore la mémoire et la faculté de sentir ; j’entendais distinctement les personnes qui étaient autour de moi dire : Il s’évanouit, et s’agiter