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pays ; et le petit nombre qui vint offrir ses services eut la honte de les voir refuser. Ces bouches féroces, ces gosiers brûlés, étaient insensibles aux douceurs d’une chère délicate. D’énormes quartiers de viande et de venaison, des quantités incommensurables des plus fortes boissons, suffisaient pour les charmer ; et comme les usurpateurs étaient toujours armés, la plupart de ces repas dégénéraient en orgies, et la salle des festins vit souvent couler le sang.

Cependant il est dans la nature des choses que ce qui est excessif ne dure pas. Les vainqueurs se lassèrent enfin d’être cruels ; ils s’allièrent avec les vaincus, prirent une teinte de civilisation, et commencèrent à connaître les douceurs de la vie sociale.

Les repas se ressentirent de cet adoucissement. On invita ses amis moins pour les repaître que pour les régaler ; les autres s’aperçurent qu’on faisait quelques efforts pour leur plaire ; une joie plus décente les anima, et les devoirs de l’hospitalité eurent quelque chose de plus affectueux.

Ces améliorations, qui auraient eu lieu vers le cinquième siècle de notre ère, devinrent plus remarquables sous Charlemagne ; et on voit, par ses Capitulaires, que ce grand roi se donnait des soins personnels pour que ses domaines pussent fournir au luxe de sa table.

Sous ce prince et sous ses successeurs, les fêtes prirent une tournure à la fois galante et chevaleresque ; les dames vinrent embellir la cour ; elles distribuèrent le prix de la valeur ; et l’on vit le faisan aux pattes dorées et le paon à la queue épanouie portés sur les tables des princes par des pages chamarrés d’or, et par de gentes pucelles chez qui l’innocence n’excluait pas toujours le désir de plaire.

Remarquons bien que ce fut pour la troisième fois