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examen du salon.

140. — Le salon d’un restaurateur, examiné avec un peu de détail, offre à l’œil scrutateur du philosophe un tableau digne de son intérêt par la variété des situations qu’il rassemble.

Le fond est occupé par la foule des consommateurs solitaires, qui commandent à haute voix, attendent avec impatience, mangent avec précipitation, payent et s’en vont.

On y voit des familles voyageuses qui, contentes d’un repas frugal, l’aiguisent cependant par quelques mets qui leur étaient inconnus, et paraissent jouir avec plaisir d’un spectacle tout à fait nouveau pour elles.

Près de là sont deux époux parisiens : ou les distingue par le chapeau et le schall suspendus sur leur tête ; on voit que depuis longtemps ils n’ont plus rien à se dire ; ils ont fait la partie d’aller à quelque petit spectacle, et il y a à parier que l’un des deux y dormira.

Plus loin sont deux amants ; on en juge par l’empressement de l’un, les petites mignardises de l’autre et la gourmandise de tous les deux. Le plaisir brille dans leurs yeux ; et par le choix qui préside à la composition de leur repas, le présent sert à deviner le passé et à prévoir l’avenir.

Au centre est une table meublée d’habitués qui, le plus souvent, obtiennent un rabais et dînent à prix fixe. Ils connaissent par leur nom tous les garçons de salle, et ceux-ci leur indiquent en secret ce qu’il y a de plus frais et de plus nouveau ; ils sont là comme un fonds de magasin, comme un centre autour duquel les groupes viennent se former, ou, pour mieux dire,