Page:Physiologie du gout, ou meditations de gastronomie transcendante; ouvrage théorique, historique, et à l'ordre du jour, dédié aux gastronomes Parisiens (IA b21525699).pdf/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
21
DES SENS.

une végétation et des plantes dont nous ne soupçonnions pas même l’existence. Enfin, nous avons vu des animaux cent mille fois au-dessous du plus petit de ceux qu’on aperçoit à l’œil nu ; ces animalcules se meuvent cependant, se nourrissent et se reproduisent : ce qui suppose des organes d’une ténuité à laquelle l’imagination ne peut pas atteindre.

D’un autre côté, la mécanique a multiplié les forces ; l’homme a exécuté tout ce qu’il a pu concevoir, et a remué des fardeaux que la nature avait créés inaccessibles à sa faiblesse.

À l’aide des armes et du levier, l’homme a subjugué toute la nature : il l’a soumise à ses plaisirs, à ses besoins, à ses caprices ; il en a bouleversé la surface, et un faible bipède est devenu le roi de la création.

La vue et le toucher, ainsi agrandis dans leur puissance, pourraient appartenir à une espèce bien supérieure à l’homme ; ou plutôt l’espèce humaine serait tout autre, si tous les sens avaient été ainsi améliorés.

Il faut remarquer cependant que, si le toucher a acquis un grand développement comme puissance musculaire, la civilisation n’a presque rien fait pour lui comme organe sensitif ; mais il ne faut désespérer de rien, et se ressouvenir que l’espèce humaine est encore bien jeune, et que ce n’est qu’après une longue série de siècles que les sens peuvent agrandir leur domaine.

Par exemple, ce n’est que depuis environ quatre siècles qu’on a découvert l’harmonie, science toute céleste, et qui est au son ce que la peinture est aux couleurs.[1]

  1. Nous savons qu’on a soutenu le contraire ; mais ce système est sans appui.
    Si les anciens avaient connu l’harmonie, leurs écrits auraient conservé quelques notions précises à cet égard, au lieu qu’on ne se prévaut que de quelques phrases obscures, qui se prêtent à toutes les inductions.
    D’ailleurs, on ne peut suivre la naissance et les progrès de l’harmonie dans les monuments qui nous restent ; c’est une obligation que nous avons aux