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Le lendemain matin, madame de Versy courut chez son amie madame de Franval, et lui raconta tout ce qui s’était passé, et c’est à l’indiscrétion de celle-ci que le public doit la présente confidence.

Elle ne manquait jamais de remarquer qu’en finissant son récit, madame de Versy avait toussé deux fois et rougi très-positivement.

XII
le faisan.

Le faisan est une énigme dont le mot n’est révélé qu’aux adeptes ; eux seuls peuvent le savourer dans toute sa bonté.

Chaque substance a son apogée d’esculence : quelques-unes y sont déjà parvenues avant leur entier développement, comme les câpres, les asperges, les perdreaux gris, les pigeons à la cuiller, etc. ; les autres y parviennent au moment où elles ont toute la perfection d’existence qui leur est destinée, comme les melons, la plupart des fruits, le mouton, le bœuf, le chevreuil, les perdrix rouges ; d’autres enfin quand elles commencent à se décomposer, telles que les nèfles, la bécasse, et surtout le faisan.

Ce dernier oiseau, quand il est mangé dans les trois jours qui suivent sa mort, n’a rien qui le distingue. Il n’est ni si délicat qu’une poularde, ni si parfumé qu’une caille.

Pris à point, c’est une chair tendre, sublime et de haut goût, car elle tient à la fois de la volaille et de la venaison.

Ce point si désirable est celui où le faisan commence à se décomposer ; alors son arôme se développe et se joint à une huile qui, pour s’exhaler, avait besoin d’un