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APHORISMES

Ce système peut être rigoureusement défendu ; cependant, comme je n’ai point la prétention de faire secte, je ne le hasarde que pour donner à penser à mes lecteurs, et pour montrer que j’ai vu de près le sujet que je traite. Maintenant, je continue ma démonstration au sujet de l’importance de l’odorat, sinon comme partie constituante du goût, du moins comme accessoire obligé.

Tout corps sapide est nécessairement odorant : ce qui le place dans l’empire de l’odorat comme dans l’empire du goût.

On ne mange rien sans le sentir avec plus ou moins de réflexion ; et pour les aliments inconnus, le nez fait toujours fonction de sentinelle avancée, qui crie : Qui va là ?

Quand on intercepte l’odorat, on paralyse le goût : c’est ce qui se prouve par trois expériences que tout le monde peut vérifier avec un égal succès.

première expérience : Quand la membrane nasale est irritée par un violent coryza (rhume de cerveau), le goût est entièrement oblitéré ; on ne trouve aucune saveur à ce qu’on avale, et cependant la langue reste dans son état naturel.

seconde expérience : Si on mange en se serrant le nez, on est tout étonné de n’éprouver la sensation du goût que d’une manière obscure et imparfaite : par ce moyen les médicaments les plus repoussants passent presque inaperçus.

troisième expérience : On observe le même effet si, au moment où l’on avale, au lieu de laisser revenir la langue à sa place naturelle, on continue à la tenir attachée au palais ; en ce cas, on intercepte la circulation de l’air, l’odorat n’est point frappé, et la gustation n’a pas lieu.