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APHORISMES

Nous trouvons d’abord l’application de cette vérité malheureusement trop générale, savoir : que l’homme est bien plus fortement organisé pour la douleur que pour le plaisir.

Effectivement, l’injection des substances acerbes, âcres ou amères au dernier degré, peut nous faire essuyer des sensations extrêmement pénibles ou douloureuses. Ou prétend même que l’acide hydrocyanique ne tue si promptement que parce qu’il cause une douleur si vive que les forces vitales ne peuvent la supporter sans s’éteindre.

Les sensations agréables ne parcourent, au contraire, qu’une échelle peu étendue, et sil y a une différence assez sensible entre ce qui est insipide et ce qui flatte le goût, l’intervalle n’est pas très-grand entre ce qui est reconnu pour bon et ce qui est réputé excellent ; ce qui est éclairci par l’exemple suivant : premier terme, un bouilli sec et dur ; deuxième terme, un morceau de veau : troisième terme, un faisan cuit à point.

Cependant le goût, tel que la nature nous l’a accordé, est encore celui de nos sens qui, tout bien considéré, nous procure le plus de jouissances :

1° Parce que le plaisir de manger est le seul qui, pris avec modération, ne soit pas suivi de fatigue ;

2° Parce qu’il est de tous les temps, de tous les âges et de toutes les conditions ;

3° Parce qu’il revient nécessairement au moins une fois par jour, et qu’il peut être répété, sans inconvénient, deux ou trois fois dans cet espace de temps ;

4° Parce qu’il peut se mêler à tous les autres, et même nous consoler de leur absence ;

5° Parce que les impressions qu’il reçoit sont à la fois plus durables et plus dépendantes de notre volonté ;

6° Enfin, parce qu’en mangeant nous éprouvons un